Armelle Hubault est une ingénieure EIGSI diplômée en 2003. Mais elle est surtout Spacecraft Operations Engineer à l’European Space Agency (ESA). Après avoir chassé la comète pendant 10 ans sur le projet Rosetta, elle a à présent Mars dans le viseur… mais elle voit toujours plus loin, jusqu’aux confins de notre système solaire…
Vous êtes Spacecraft Operation Engineer sur le projet ExoMars Trace Gas Orbiter. Quelles sont votre mission globale et vos actions au quotidien ? Autrement dit c’est quoi un Spaceraft Operation Engineer ?
Un Spacecraft Operation Engineer est responsable des opérations d’une sonde ou d’un satellite. C’est à dire toutes les activités nécessaires au maintien en vol, à l’acquisition des données et aux contacts avec la Terre.
Au jour le jour, cela consiste à s’assurer que les antennes au sol fonctionnent correctement, à vérifier que les paramètres de la plateforme technique sont dans les limites attendues, que les instruments scientifiques fonctionnent correctement et que les données sont correctement distribuées une fois arrivées au sol.
Nous devons aussi préparer les commandes pour les activités des prochains jours (généralement 1 semaine), et préparer les activités pour les phases spéciales comme par exemple les périodes d’éclipse ou les conjonctions (quand la sonde passe derrière le Soleil et n’est plus observable depuis la Terre).
La FCT (Flight Control Team) de TGO comprend 8 ingénieurs et 1 analyste (responsable de la base de données contenant les dizaines de milliers de paramètres définissant TGO). Si chaque ingénieur a un domaine d’expertise plus ou moins spécifique (télécommunications, puissance, thermique, logiciel, simulateur,…), chacun d’entre nous doit être capable de répondre de manière adéquate en cas d’anomalie.
Nous avons des périodes d’astreinte puisque l’un d’entre nous doit pouvoir être contacté 24/24 et 7/7 en cas de problème.
Aujourd’hui, tout le monde parle de la sonde Insight sur Mars. En quoi Exomars TGO et Insight sont complémentaires ? Qu’apportent-ils à la science ?
Chaque mission qui s’envole vers Mars y va avec un but particulier. Ces dernières années, plusieurs missions sont parties avec le but (in)avoué de rechercher des traces de vie passée sur Mars. Soit. Seulement Mars a plus à nous apprendre que la potentielle recherche de vie. TGO (Trace Gas Orbiter) a été envoyé avec 3 objectifs principaux.
- En apprendre plus sur l’atmosphère de Mars et en particulier les gaz rares (i.e. présents sous forme de traces). Comme pour toutes les missions scientifiques, l’analyse des données prendra du temps. En attendant nous accumulons les mesures selon les demandes des équipes ayant fabriqué les instruments.
- Fournir une capacité de relais pour les rovers et atterrisseurs martiens. Ceci fonctionne très bien avec plusieurs contacts de relais par semaine.
- Test technologique d’entrée/descente/atterrissage pou la prochaine partie du projet (le rover européen). Malgré ce que l’on pourrait penser à cause de l’atterrissage un peu violent de Schiaparelli, ceci à été un vrai succès. Les données acquisent pendant la phase de descente ont toutes été transmisent à TGO, Un des résultats les plus intéressants concerne le bouclier thermique qui était surdimensionné. Le poids que l’on pourra ainsi économiser sur les futurs boucliers pourra être utilisé au profit de la charge utile !
Insight, quant à elle, va étudier l’intérieur de Mars. Ses observations devraient permettre aux planétologues de vérifier leurs théories sur la structure de Mars, mais aussi sur sa formation et donc sur celle de la Terre et du Système Solaire. Par extension cela devrait nous en apprendre plus sur la formation des systèmes stellaires en général.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le projet Exomars TGO ? Qu’est-ce qui vient vous chercher, vous passionner dans ce projet ?
Je pense que ce qui me plait le plus dans le projet Exomars, en dehors du fait d’en apprendre plus sur Mars, c’est l’aspect collaboration. Le fait que la moitié de nos instruments soient russes et que nous fournissions activement des contacts de relais aux rovers et atterrisseurs américains. J’ai appris avec Rosetta que la mixité, la collaboration internationale autour d’un projet commun est ce qui permet d’aller le plus loin, de réaliser les exploits les plus fous. Et plus vos origines culturelles sont variées, plus vous enrichissez votre équipe, meilleures sont les solutions obtenues.
Après une comète, après Mars, quel coin inexploré de notre système solaire ou de notre galaxie devient votre nouvelle frontière, suscite votre intérêt ?
Mon rêve serait qu’une mission spatiale aille explorer de près Uranus et Neptune. Je trouve ces deux planètes fascinantes, à cause de tous les mystères qu’elles recèlent. Saviez-vous par exemple que le champ magnétique de Neptune est incliné de 47 degrés par rapport à l’axe de rotation et décalé de 13500 km par rapport à son centre ? Et que la rotation d’Uranus est inclinée de 98 degrés par rapport à l’écliptique ? Pourquoi ? Comment ? Je trouve cela absolument fascinant.