Alexandre DEMANGE, élève-ingénieur de 5ème année sous statut sportif de haut niveau, vient d’intégrer la Sailing team DMG MORI. Une écurie de course au large qui souhaite notamment inscrire son IMOCA pour le prochain Vendée Globe, Portrait :
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Alexandre DEMANGE, je suis élève-ingénieur en 5ème année à l’EIGSI La Rochelle. Je suis natif de Vendée, de Brétignolles sur mer précisément.
Depuis mon enfance je suis attiré par le monde de la mer. Je me suis très vite mis à pratiquer la voile à Bretignolles puis aux Sables d’Olonnes. À la fin du collège je suis parti en sport-étude à La Rochelle. J’ai alors fait mes classes en 420, un dériveur préolympique avec un seul rêve en tête, participer aux Jeux Olympiques.
Après 5 ans dans cette catégorie, mes performances m’ont permis d’intégrer le Pôle France de voile dans la catégorie olympique du 470. Ça correspondait également à la fin du lycée pour moi. J’ai alors cherché une école d’ingénieur post-bac qui me permettait d’allier mes objectifs en voile et mon envie de devenir ingénieur. J’ai donc naturellement intégré l’EIGSI Post-Bac avec le statut SHN (sportif de haut niveau).
Parle-nous de ces 5 années à l’EIGSI
Pour ma première année de prépa intégrée, j’ai fait une petite pause dans mon programme intensif de voile. En effet, cette première année nous devons l’effectuer comme un élève normal et suivre peu ou prou le même rythme que tout le monde. Ça tombait en plus plutôt bien pour moi, car c’était une année post JO avec donc moins de pression côté voile.
Jusqu’en 2019, les entraînements ont été de plus en plus intensifs. Au début, j’avais seulement 4 entraînements par semaine. C’est vite monté à plusieurs entraînements par jour et ce du lundi au dimanche.
Il faut engranger beaucoup d’heures sur l’eau pour gagner en expérience. Je naviguais donc près de 300 jours par an. J’ai ainsi pu bénéficier des aménagements proposés par l’EIGSI dans le cadre du partenariat avec le Pôle France. J’ai pu par exemple doubler ma deuxième année, c’est-à-dire que je l’ai faite en deux ans afin d’avoir un emploi du temps allégé. De plus, j’ai pu être accompagné par une super équipe encadrante. Les professeurs et référents sont vraiment compréhensifs vis-à-vis de nos absences ou des différents aménagements que l’on demande en fonction des échéances de compétitions.
J’ai fait trois ans de préparation olympique tout en suivant les cours. La sélection s’est faite sur les championnats du monde au Japon et le 1er équipage français décrochait son ticket pour les JO. Malheureusement et malgré un titre de champion de France, nous avons échoué et nous n’avons pas pu nous qualifier pour les jeux.
Il faut avoir en tête que j’étais un des seuls sur le circuit championnat du monde à poursuivre mes études en même temps. C’était vraiment très intense comme rythme de vie. Mais avec les aménagements prévus et les professeurs-accompagnateurs, c’est tout à fait possible de valider ses années.
Cette non-sélection fut pour moi une grande déception. J’ai alors décidé de mettre en pause le 470 et de me concentrer sur mes études (2020 et 2021).
Suite à cela mon projet a un peu bifurqué et j’ai choisi de me concentrer sur la course au large. Contrairement aux catégories olympiques, la course au large est un secteur professionnel qui offre donc de vraies opportunités de carrière en tant que sportif ou au sein d’une écurie en tant qu’ingénieur.
Parle-nous de DMG MORI, qu’est ce que c’est ?

Le groupe DMG MORI est un leader mondial de la construction de machines-outils.
Le fondateur, Dr MORI, a découvert la course au large lors de la participation au Vendée globe de Kojiro Shiraishi (skipper japonais) en 2016. Au Japon, la course au large n’est pas quelque chose de connu. Mais la participation de Kojiro à cette épreuve mythique a suscité un énorme engouement.
Suite à sa première participation, Kojiro a pu rencontrer le président de DMG MORI, Dr. Mori et nouer un partenariat durable avec l’entreprise.
Au début, le projet était uniquement porté sur la catégorie IMOCA (bateau du Vendée Globe).Mais, Dr MORI ayant une réelle volonté de populariser la course au large dans les moeurs japonaises, le projet a pris de l’ampleur.
L’écurie a donc aussi lancé la DMG MORI SAILING ACADEMY, un programme mini 6.50 avec deux bateaux afin de participer à la mini transat en 2023 et 2025. L’objectif du programme est triple : promouvoir la course au large au Japon, promouvoir la jeunesse et les jeunes ingénieurs souhaitant intégrer le milieu de la course au large, et bien entendu performer lors des courses. Je suis arrivé à la DMG MORI SAILING ACADEMY via un processus de candidature. J’ai appris qu’ils cherchaient de nouveaux skippers et mettaient à disposition un super bateau, tout neuf, avec à côté une réelle formation à la voile grand large tant sur le plan sportif que technique.
Nous étions plus de 200 à candidater. Je suis allé jusqu’au bout des phases de sélection et j’ai été pris comme co-skipper.
Je pense qu’être à la fois ingénieur et skipper c’est un super avantage et ce fut à mon sens un élément déterminant de mon recrutement. Un ingénieur comprend facilement la manière dont le bateau est conçu et dont il fonctionne. Il est alors beaucoup plus à l’aise pour le régler en navigation, le réparer et pour travailler sur le développement d’innovations afin de le rendre plus performant.
Dis-nous en plus sur ce poste et tes missions ?
Mon contrat s’articule autour de deux grandes missions :
Durant ces deux premières années, je suis co-skipper, donc je vais naviguer en double, principalement à l’ entraînement, pendant les courses qui se courent en double, mais aussi un peu en solo. L’idée pour cet aspect sportif est d’emmagasiner un maximum d’expérience pour être fin prêt pour devenir skipper principal d’ici deux ans.
À côté de l’aspect sportif, j’intègre aussi le bureau d’études DMG MORI Sailing Team afin de participer à l’amélioration de l’IMOCA de l’écurie dans l’optique du Vendée Globe 2024.
Pour l’instant, je suis stagiaire pendant six mois pour terminer l’école et obtenir mon diplôme. J’utilise mes compétences en CAO pour faire quelques projets de conception et d’amélioration. Par exemple, je conçois un nouveau siège de table à carte qui doit tourner selon 3 axes pour contrer la bascule du bateau. En parallèle, je suis formé sur tous les aspects du métier, je me forme notamment à la manière dont on travaille le composite. Je suis en lien direct avec le directeur technique qui s’occupe de l’optimisation et de l’amélioration continue du bateau.
Je travaille aussi avec le boat captain qui supervise l’équipe technique et qui est le garant du timing pour que le bateau soit prêt à naviguer pour nos échéances de compétitions.
En quoi être un ingénieur généraliste est-il un avantage pour ton poste et tes missions ?
Le fait d’être généraliste ça permet d’avoir un éventail complet de compétences et de switcher entre les différents univers.
On peut dialoguer avec tous les acteurs du projet et avoir un minimum de compétences dans tous les domaines. Exemple, le management de projet, cela m’apportera énormément pour mes projets de navigation. Ce qui me manque actuellement c’est une spécialisation en architecture navale, mais je suis en train de combler cela par la formation interne assurée au sein de l’écurie.
Quels sont tes objectifs sportifs futurs ?
À moyen terme, l’idée est de reprendre la suite du projet mini en tant que skipper principal.
C’est la suite logique. Mais d’abord, à la fin de ces six mois, je dois prouver mon utilité dans l’équipe. Ces six premiers mois servent donc de formation et d’appropriation du projet. Et après ces deux premières années, j’aurai une connaissance assez fine du milieu, du projet, du bateau pour pouvoir m’exprimer au mieux sportivement.
Dans 4 ans, j’aurai alors un choix à faire entre continuer dans la course au large dans les catégories supérieures ou bien poursuivre en tant qu’ingénieur bureau d’études dans le monde de la voile sportive. Ce choix sera bien évidemment guidé par mes performances sportives au cours de ces prochaines années.